Le composé intermétallique à électrons fortement corrélés URu
2Si
2 est l’un des composés d'uranium supraconducteurs. Outre la transition supraconductrice observée à 1,2 K, une seconde transition est présente à T
0. Cette dernière est facilement mise en évidence par des techniques expérimentales macroscopiques variées comme les mesures de chaleur spécifique, résistivité électrique, dilatation thermique, susceptibilité magnétique…, mais aucune signature de cette transition n'est détectée par des techniques microscopiques comme la diffraction des rayons X ou des neutrons. Certains modèles théoriques suggèrent que cette transition est associée à un ordre multipolaire de rang élevé. Rappelons qu'une transition magnétique usuelle correspond à un ordre de moments dipolaires (ou multipolaire de rang 1).
En collaboration avec l'Institut Néel, nous avons mesuré, par diffraction de neutrons polarisés à l’ILL, la densité d'aimantation d'un échantillon monocristallin de ce composé soumis à un fort champ magnétique appliqué suivant l'axe c de la structure tétragonale. La répartition de l'aimantation change au voisinage des atomes d'uranium : en dessus de T0, elle est allongée suivant les axes a et b, alors qu'en dessous elle est étirée à 45° de ces axes (Figure). La rotation de la densité d'aimantation au passage de T
0 s'explique par l'action d'un opérateur sur la fonction d'onde de l'état fondamental de champ électrique cristallin de l'ion uranium. Cet opérateur, appelé dotriacontapole, est le produit de 5 opérateurs de spin. Nous donnons ainsi la première preuve expérimentale que l’ordre caché est associé à des moments multipolaires de rang 5.
Projection selon l'axe cristallin c de la densité d'aimantation induite par un champ Bext = 9,6 T parallèle à c de part et d'autre de T0. Pour référence la position des atomes d'uranium et de ruthénium est indiquée.